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Combat de Gauvain contre Segurade (Lancelot du lac, Ms Fr 114)

SĂ©rie de l'image :
Date :
1470
Nature de l'image :
Enluminure
Français 114, folio 254 recto
LĂ©gende

Analyse

« Un moment aprĂšs, la dame de Roestoc s’éloigne et va attendre Ă  quelque distance avec les autres dames. Gauvain attache ses gantelets et relĂšve sa ventaille. Hector lui lace le heaume, et le sĂ©nĂ©chal lui prĂ©sente le cheval de combat. Quand il est montĂ©, Hector lui tend l’écu, le sĂ©nĂ©chal la lance. Il passe dans l’enceinte fermĂ©e ; Segurade y entre de l’autre cĂŽtĂ©. Alors, ils se mesurent des yeux, prennent du champ et se rapprochent; l’écu serrĂ© sur la poitrine, et lance sur feutre. Les chevaux sont lancĂ©s; les glaives Ă©clatent dĂšs le premier choc. Gauvain et Segurade reviennent l’un sur l’autre, s’étreignent et tombent ensemble si lourdement, qu’en les voyant immobiles on les eĂ»t crus mortellement atteints. Segurade se dĂ©gage, se redresse, met la main Ă  l’épĂ©e, passe son bras dans les enarmes de son Ă©cu, et revient sur Gauvain au moment oĂč il se relevait. Ce fut alors un Ă©change de coups d’estoc et de taille. Ils fendent, Ă©cartĂšlent et dĂ©coupent leurs Ă©cus; ils faussent les heaumes, et font pĂ©nĂ©trer la pointe de l’acier dans les hauberts. Telle est la sĂ»retĂ© de l’attaque, la vigueur de la dĂ©fense, qu’on ne sait Ă  qui des deux donner l’avantage. Enfin, cĂ©dant Ă  la mĂȘme fatigue, ils laissent tomber leurs bras, et semblent garder Ă  peine la force de retenir leurs Ă©cus. Ce temps d’arrĂȘt fut court; tels que deux lions furieux, ils reviennent l’un sur l’autre, et rassemblent dans un dernier effort, tout ce qui leur reste de vigueur. Aux approches de midi, messire Gauvain se contente de la dĂ©fensive ; l’ardeur de Segurade s’en accroĂźt. Il Ă©tait, on le sait, dans la destinĂ©e de Gauvain de n’avoir plus aux approches de midi que la valeur d’un guerrier ordinaire: mais une fois le soleil au milieu de sa course, il se ranimait et dĂ©ployait la vigueur de deux hommes. Segurade s’en aperçut bientĂŽt: comme il pensait l’avoir outrĂ©, le voilĂ  qui reçoit des coups terribles, et se voit, Ă  son tour, rudement menĂ©. Ce n’est plus un homme, c’est un dĂ©mon auquel il croit avoir affaire: il se garde, il se dĂ©robe; c’en est fait, l’invincible sera vaincu; adieu sa renommĂ©e, adieu la conquĂȘte de la dame qu’il aime. Le sang perdu, les blessures ouvertes, le soleil ardent tombant Ă  plomb sur son heaume dĂ©cerclĂ©, tout rend sa dĂ©faite inĂ©vitable. Il recule, il se roule, il se dĂ©robe; efforts inutiles, un coup suprĂȘme le fait tomber sur les mains, et quand il essaye de se relever, Gauvain lui pose un genou sur la poitrine, dĂ©lace son heaume et du pommeau de son Ă©pĂ©e le frappe au front, au visage. “Merci ! crie-t-il. — Avouez donc que vous ĂȘtes conquis et outrĂ©. — Merci, gentil chevalier ! mais ne m’obligez pas Ă  dire le mot honteux. — C’est Ă  votre dame Ă  dĂ©cider.» On va dire Ă  la dame de Roestoc que son chevalier a vaincu; elle arrive transportĂ©e de joie, tombe aux pieds de Gauvain, baise les mailles de ses chausses, l’or de ses Ă©perons. «Madame, que voulez-vous de ce chevalier ? — Sire, il n’est pas Ă  moi, mais Ă  vous; faites-en votre plaisir. — Non, dame, je suis votre champion, j’ai dĂ©fendu votre droit; vous seule ĂȘtes la maĂźtresse. Je vous dirai seulement que Segurade, un des meilleurs chevaliers du monde, vous crie merci. — Cher sire, dit la dame, ce que vous ferez sera bien fait.” Gauvain alors le releva et Segurade se reconnut vassal de la dame de Roestoc. »
   

Annotations :

1. Rubrique sous l’image : « C. messire gauuain se combat contre Segurades et loultra darmes et ct. g[auuain] sen ala et la da[m]e de rastor ne sen prit g[ar]de. »

Objets :
La scĂšne a un public
Sources textuelles :
Lancelot du lac, début du 13e siÚcle
Vol. II, chap. LV, Ă©d. Elspeth Kennedy, Lettres gothiques, 1993, p. 111-117

Informations techniques

Notice #016216

Image HD

Identifiant historique :
B5535
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
https://gallica.bnf.fr