Victorin enlevant Christine (Rétif, Découverte australe, 1781)
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Analyse
Le jeune Victorin est amoureux de Christine, la fille de son seigneur : impossible, vu la différence des naissances, d’obtenir sa main. Mais, à l’aide de la machine à voler qu’il a confectionnée, il enlève sa bien aimée sur le « Mont inaccessible », auquel on ne peut accéder que par les airs.
« Il n’y avait point de lune et l’obscurité était parfaite. Victorin [...] planait immobile au-dessus du château : tel un aigle aux serres crochues guette un agneau qui commence à bondir en broutant dans la plaine fleurie. Christine enfin parut, précédée de sa femme de chambre qui l’éclairait, et suivie de son père qui jurait contre les valets paresseux : elle resta sur le perron, tandis que la femme de chambre et le père descendirent dans la cour. Ce moment était trop précieux pour ne le pas saisir : Victorin, dirigeant en bas son parasol érecteur, fondit du haut des airs sur la belle Christine et l’enleva, en lui disant* : « Ne craignez rien, Divinité de mon âme, je vous adore ; ne craignez rien ! » Mais la frayeur était la plus forte : Christine, se sentant enlever par une espèce de monstre, poussa un cri perçant et s’évanouit. Ce cri fut entendu de son père, ainsi que le bruit du vol de Victorin, qu’il prit pour celui de la chute d’une partie de son château. « Ah ! ma fille est écrasée ! » s’écria-t-il. Et il vola du côté d’où partait le cri. En courant, sa lumière s’éteignit ; mais tout était debout, rien n’était tombé. Il appela Christine, et Christine ne répondit point à ses cris redoublés. Les domestiques accoururent : on chercha, on tâtonna, Christine ne se retrouva plus !... Pendant ce tumulte, le jour vint ; on crut qu’on allait découvrir enfin ce qu’on tremblait de voir, Christine écrasée : mais pas la moindre trace ! Quelle douleur pour un père idolâtre d’une fille si méritante et si belle ! »
Sur le Mont-Inaccessible, Victorin fondera une société du bonheur parfait dont lui et sa famille, qui disposent des machines à voler, sont les aristocrates. Au bout d’une vingtaine d’années, ils quittent leur montagne pour aller fonder dans les îles australes un royaume du bonheur.
1. Au dessus de l’image à gauche : « I. Vol. 101. »
Titre sous l’image : « Victorin enlevant Christine. »
Légende en note sur la page de droite : « (*) Estampe : “Victorin paraît au-dessus du château, tenant Christine évanouie, assise sur une large sangle.” »
Informations techniques
Notice #012744