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Léonide découvre Céladon noyé (L’Astrée, 1733, I, 1)

Notice n°1 sur 60 Notice suivante

Date :
1733
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Y2-7041

Analyse

Début du livre I. Céladon a tenté de se suicider en se jetant dans le Lignon devant Astrée qui, terrifiée, s’est évanouie. Le corps de Céladon est emporté par le courant, il échoue plus loin et est découvert par un groupe de nymphes conduit par Léonide. Les deux autres nymphes, Galathée et Silvie, sont visibles au milieu à gauche cachée derrière la touffe d’arbres. Le graveur a remplacé le carquois et les flèches mentionnés dans le texte par des lances, dans un équilibre fort improbable…
Malgré l’apparente symétrie des deux images, le moment choisi pour l’illustration n’est pas le même qu’en 1632 : ce n’est plus la tentative de suicide, mais la découverte du corps de Céladon, qui constituait la scène d’arrière-plan en 1632. Léonide prend du coup la place d’Astrée.
Au 18e siècle, il n’est pour ainsi dire plus possible de représenter plusieurs moments successifs dans une même image. La découverte du corps, la vision de l’événement sont soulignées : ce n’est pas seulement Léonide, mais son chien à droite au premier plan, et Galathée et Silvie au fond à gauche, qui, sur la même ligne diagonale, sont placées en position de voir.

Le texte original de 1607 :

« Et lors qu’il estoit entre la mort et la vie, il arriva sur le mesme lieu trois belles Nymphes, dont les cheveux espars alloient ondoyans sur les espaules, couverts d’une guirlande de diverses perles : elles avoient le sein decouvert, et les manches de la robe retroussées jusques sur le coude, d’où sortoit un linomple deslie, qui fronce venoit finir aupres de la main, où deux gros bracelets de perles sembloient le tenir attaché. Chacune avoit au costé le carquois rempli de flesches, et portoit en la main un arc d’ivoire ; le bas de leur robe par le devant estoit retroussé sur la hanche, qui laissoit paroistre leurs brodequins dorez jusques à my jambe. Il sembloit qu’elles fussent venues en ce lieu avec quelque dessein, car 1’une disoit ainsi : C’est bien icy le lieu, voicy bien le reply de la riviere voyez comme elle va impetueusement là haut, outrageant le bord de l’autre costé, qui se rompt et tourne taut court en cà. Considerez cette touffe d’arbres, c’est sans doute celle qui nous a este représenté dans le miroir. – Il est vray, disoit la premiere,’mais il n’y a encor gueres d’apparence en tout le reste, et me semble que voicy un lieu assez escarté pour trouver ce que nous y venons chercher. La troisiesme qui n’avoit point encore parlé : Si a-t’il bien, dit- elle, quelque apparence en ce qu’il vous a dit, puis qu’il vous a si bien representé ce lieu que je ne croy point qu’il y ait icy un arbre que vous n’ayez veu dans le miroir.
Avec semblables mots, elles approcherent si pres de Celadon, que quelques fueilles seulement le leur cachoyent. Et parce qu’ayant remarqué toute chose particulierement, elles recogneurent que c’estoit là sans doute le lieu qui leur avoit esté monstré, elles s’y assirent, en deliberation de voir si la fin seroit aussi veritable que le commencement ; mais elles ne se furent si tost baissees pour s’asseoir, que la principale d’entr’elles aperceut Celadon, et parce qu’elle croyoit que ce fust un berger endormy, elle estendit les mains de chaque coste sur ses compagnes. Puis sans dire mot, mettant le doigt sur la bouche, leur monstra de 1’autre main entre ces petits arbres, ce qu’elle voyoit, et se leva le plus doucement qu’elle peut pour ne l’esveiller ; mais le voyant de plus pres, elle le creut mort, car il avoit encor les jambes en 1’eau, le bras droit mollement estendu par dessus la teste, le gauche à demy tourne par derriere, et comme engage sous le corps. Le col faisoit un ply en avant pour la pesanteur de la teste, qui se laissoit aller en arriere, la bouche à demi entr’ouverte, et presque pleine de sablon degouttoit encore de tous costez ; le visage en quelques lieux esgratigne et souille, les yeux à moitie clos, et les cheveux qu’il portoit assez longs, si mouillez que l’eau en couloit comme de deux sources le long de ses joues, dont la vive couleur estoit si effacée qu’un mort ne l’a point d’autre sorte. Le milieu des reins estoit tellement avance, qu’il sembloit rompu, et cela faisoit paroistre le ventre enfle plus, quoy que remply de tant d’eau il le fust assez de luy-mesme.
Ces nymphes le voyant en cest estat en eurent pitié, et Leonide qui avoit parlé la premiere, comme plus pitoyable et plus officieuse, fut la premiere qui le prit sous le corps pour le tirer à la rive. »

Sa réécriture de 1733 :

« Là, pendant qu’il étoit entre la vie & la mort, parurent trois nymphes d’une beauté admirable. Leurs cheveux où brilloit une guirlande de perles, flotoient au gré des vents. Elles avoient la gorge découverte ; les manches de leur robe étoient retroussées sur le coude, d’où sortoit une gaze deliée, que deux bracelets de perles sembloient attacher. Elles avoient sur leurs épaules un carquois rempli de fléches, & tenoient un arc d’yvoire à la main. Le bas de leur robe relevé sur la hanche, laissoit voir jusqu’à mi-jambe leurs brodequins dorés. On jugeoit à leurs discours que quelque dessein les amenoit en ce lieu. «Voici bien l’endroit de la riviere qui nous a été désigné, disoit l’une d’elles, voyez comme elle remonte avec impetuosité vers sa source : ces arbres ne sont-ce pas ceux-là mêmes qui nous ont été montrés dans le miroir enchanté ? Malgré tout cela, répondoit la premiere, il n’y a gueres d’apparence en tout le reste ; mais j’apperçois un lieu écarté, où nous trouverons, si je ne me trompe, ce que nous cherchons. Cependant, dit la troisiéme, ce lieu nous offre tout ce qui nous a été annoncé, & rien ne ressemble davantage à ce que nous avons vû dans le miroir.
En discourant ainsi, elles s’approcherent du lieu où étoit Celadon ; & parce que ce même lieu leur parut être celui qu’on leur avoit désigné, elles s’y assirent, en attendant que le reste se verifiât. A peine furent-elles assises, que la premiere des nymphes apperçut Celadon, & le croyant endormi, elle le montra du doigt à ses compagnes ; ensuite elle se leva doucement, de peur de l’éveiller : mais quand elle l’eut examiné de près, elle ne douta point qu’il ne fût mort. Il avoit encore une partie du corps dans l’eau ; sa bouche étoit entr’ouverte, son visage livide, & ses yeux presque fermés. Les nymphes furent touchées de le voir en cet état ; & celle qui avoit parlé avant les autres, fut la premiere à le tirer sur le rivage. »

Annotations :

1. Sous la gravure à gauche : « I. Part. Frontispice »
La gravure n’est pas signée.
2. Gravure frontispice du premier livre et de l’ensemble du volume, avant la page de titre.

Sources textuelles :
L’Astrée, 1ère partie, 1607
Livre 1

Informations techniques

Notice #012584

Image HD

Identifiant historique :
B1903
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
https://gallica.bnf.fr