Les trois princes de Serendip (Dessins pour les Voyages imaginaires) - Marillier
Notice précédente Notice n°49 sur 77 Notice suivante
Analyse
Les Trois Princes de Serendip sont les trois fils du roi de Serendip, câest-Ă -dire de Ceylan. Le roi les met Ă lâĂ©preuve avant quâils puissent lui succĂ©der et les envoie en voyage. Ils rencontrent en chemin un chamelier qui a perdu son chameau, et le lui dĂ©crivent trĂšs prĂ©cisĂ©ment avec ses infirmitĂ©s et son chargement aors quâils ne lâont pas vu. PersuadĂ© quâils le lui ont volĂ©, le chamelier les fait jeter en prison, mais le chameau est retrouvĂ©. Les trois princes deviennent aloes les favoris de lâempereur Behram, qui Ă son tour les met Ă lâĂ©preuve. Son aĂŻeul possĂ©dait autrefois un miroir magique qui se trouve maintenant en possession de la reine des Indes, qui ne veut pas le lui rendre car son royaume est lui-mĂȘme menacĂ© par une main dans le ciel. Cette main prenait chaque jour un homme quâelle jetait Ă la mer, mais depuis quâon lui a prĂ©sentĂ© le miroir elle ne prend plus quâun animal. La reine ne rendra le miroir que si on la dĂ©barrasse de la main, ce que font les trois princes. La reine propose alors dâĂ©pouser un des princes, qui accepte aprĂšs quâils auront rendu le miroir et obtenu lâaccord de leur pĂšre.
Ils repartent avec le miroir auprĂšs de lâempereur Behram, qui dĂ©pĂ©rit : il est tombĂ© amoureux dâune esclave, Diliram, qui sâest montrĂ©e insolente. Il lâa alors condamnĂ©e Ă ĂȘtre dĂ©vorĂ©e paer les bĂȘtes sauvages dans la forĂȘt. Mais pris de remords il lâa envoyĂ©e rechercher dans la forĂȘt. Diliram cependant avait marchĂ©, retrouvĂ© la route et rencontrĂ© un marchand, qui lâavait emmenĂ©e avec elle, de sorte que les Ă©missaires de Behram ne la retrouvent pas dans la forĂȘt.
Pour guĂ©rir lâempereur, les princes de Serendip lui recommandent de construire sept chĂąteaux et dâinstaller dans chacun une princesse et un conteur, puis de voyager perpĂ©tuellement de chĂąteau en chĂąteau, en changeant chaque jour. La suite du recueil est la suite des histoires racontĂ©es par les conteurs.
Ce dessin illustre la premiĂšre nouvelle. Le roi Oziam demande Ă son favori philosophe ce quâil pense de la mĂ©tempsycose. Celui-ci lui parle dâun jeune homme dont lâesprit Ă©tait capable dâentrer dans le corps dâun animal quâil avait tuĂ© Ă la chasse, puis de revenir Ă son corps. Le roi Ă©tant incrĂ©dule, le philosophe en fait lâexpĂ©rience devant lui avec un moineau. Le philosophe apprend les formules magiques au roi, qui sâen sert pour bien gouverner ses sujets, en les espionnant sous la forme dâun oiseau. Le roi apprend Ă son tour le secret Ă son visir qui sâen sert pour sâemparer du corps du roi et usurper le royaume.
Mais lâune des femmes du roi (qui sera dĂ©signĂ©e dans la suite du rĂ©cit comme la reine), dont le faux roi sollicite les caresses, nâest pas dupe et se refuse Ă lui.
Pendant ce temps lâesprit du vrai roi, qui est entrĂ© dans une biche, passe dans un perroquet et se laisse prendre par un oiseleur pour revenir Ă la ville. Le perroquet libĂšre tous les autres oiseaux, mais charme lâoiseleur par sa conversation. A la ville, lâoiseleur surprend une contestation entre une courtisane et un cavalier : la courtisane lui rĂ©clame 100 Ă©cus pour avoir rĂȘvĂ© quâelle passait la nuit avec lui ; le cavalier se moque dâune telle prĂ©tention et refuse. Le perroquet donne son jugement : il fait installer un miroir sur une table, demande au cavalier de poser les cdent Ă©cus devant, et invite la courtisane Ă se payer avec les Ă©cus qui sont dans le miroirâŠ
La reine entend parler de ce jugement, soupçonne immĂ©diatement que lâesprit du roi est dans le corps du perroquet et persuade lâoiseleur de le lui vendre. Pendant deux ans, elle couvre le perroquet dâattentions et nĂ©glige le faux roi, pourtant follement amoureux dâelle. Le perroquet lui fait finalement entiĂšre confidence de son aventure et convient avec elle dâune ruse pour recouvrer son corps de roi.
Alors que le faux roi (en fait le visir perfide) entre dans la chambre de la reine pour lui faire sa cour, celle-ci lui dĂ©clare ses soupçons. Pour la dĂ©tromper, le faux roi lui demande de faire apporter une poule : câest la scĂšne qui est ici illustrĂ©e. Il Ă©trangle la poule et fait passer son esprit en elle : on la voit au 1er plan sur la droite. La reine ouvre alors la cage du perroquet, dont lâesprit passe aussitĂŽt dans le corps du roi. On le voit ici perchĂ© sur lâĂ©paule du roi mort, prĂȘt Ă entrer en lui.
Le roi ensuite coupe la tĂȘte de la poule, la fait brĂ»ler et dĂ©clare le perroquet mort. Il dĂ©crĂšte une semaine de rĂ©jouissances et rĂ©pudie ses trois autres femmes qui se sont prĂȘtĂ©es au commerce du vizir. Lâhistoire se conclut avec un jugement quâil rend, symĂ©trique de celui quâil a rendu comme perroquet : un jeune homme amoureux dâune courtisane, nommĂ©e Thonis, ne peut lâobtenir car elle se vend Ă trop haut prix. Une nuit, il rĂȘve quâil la possĂšde et le lendemain lui dĂ©clare quâil a eu ce quâil voulait et ne lâimportunait plus. Furieuse, Thonis rĂ©clame justice, prĂ©tendant que le jeune homme refuse de payer le plaisir quâil a obtenu dâelle. Le roi fait apporter un vase rempli de la somme rĂ©clamĂ©e par Thonis. Quâelle se repaisse en imagination de lâargent qui est Ă lâintĂ©rieur !
1. Au-dessus du dessin à gauche « les trois princes de Serendip », à droite « n° 48 ».
Légende dans le cartouche sous le dessin « La Reine voyant cela ouvrit aussi-tÎt la porte de la cage. »
2. Gravure aprÚs la p. ⊠du volume 25 des Voyages imaginaires.
Ce conte persan est publiĂ© pour la 1Ăšre fois en 1557 par lâimprimeur vĂ©nitien Michele Tramezzino, qui le prĂ©tend traduit du persan en italien par un certain Cristoforo Armeno ; mais il sâgirait plutĂŽt dâune compilation de contes persans et indiens par Tramezzino lui-mĂȘme. Lâhistoire sâinspire dâĂ©pisodes de la vie du roi de Perse Vahram V, qui rĂ©gna sur lâEmpire sassanide de 420 Ă 438. Une premiĂšre traduction française paraĂźt en 1610, une seconde par Louis de Mailly, trĂšs augmentĂ©e, en 1719.
3. Voir le frontispice et les 7 gravures de la traduction anglaise : The travels and adventures of three princes of Sarendip. Intermixed with eight delightful and entertaining novels, Londres, Will. Chetwood, 1722.
Informations techniques
Notice #012403