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Hamlet et Horatio au cimetière - Delacroix

Date :
1839
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
81x66 cm
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :
Numéro principal : RF 1942

Analyse

LE PREMIER FOSSOYEUR, chantant. – Mais l’âge est v’nu, à pas d’loup, Il m’a pris par la peau du cou, Me v’là embarqué pour l’aut’monde, Et déjà j’ne suis plus dans l’coup. Il ramasse et jette un crâne.
HAMLET. – Ce crâne avait une langue, et pouvait chanter jadis. Et voici que ce coquin le jette contre la terre, comme s’il était la mâchoire d’âne de Caïn, celle qui servit au premier meurtre. C’est peut-être la caboche d’un politicien qu’il envoie promener cet âne. D’un qui se croyait plus fin que Dieu, ne se peut-il pas ? HORATIO. – Il se pourrait, monseigneur.
HAMLET. – Ou encore d’un courtisan, un qui savait dire : « Ah, mon cher seigneur, bonjour, ah, mon bon seigneur, comment allez-vous ? » Qui sait si ce n’est pas monseigneur Untel, qui disait tant de bien du cheval de monseigneur Untel, avec l’idée qu’il se le ferait offrir ? Oui, pourquoi pas ?
HORATIO. – Oui, pourquoi pas, monseigneur.
HAMLET. – Eh bien, c’est donc lui, et ce crâne-là sans mâchoire, abîmé au couvercle par la bêche d’un fossoyeur, c’est Noble Dame du Ver. Un beau retour des choses, pour qui sait voir ! La croissance de ces os n’a-t-elle coputé si cher que pour qu’ils servent au jeu de quilles ? Les miens me font mal, rien que d’y penser.
LE PREMIER FOSSOYEUR, chantant. – Une pioche et deux coups d’bêche, Un drap pour le met’dedans, Avec un trou dans la glaise, Pour c’copain c’est suffisant... han ! Il envoie rouler un second crâne.
HAMLET. – En voici un autre. Et pourquoi ne serait-ce pas celui d’un homme de loi ? Où sont-ils, maintenant, ses distinguos et ses arguties, ses procès et ses baux, ses finasseries ? Comment peut-il supporter que ce rustre grossier lui tape sur l’occiput avec sa pelle fangeuse ? Pourquoi ne le menace-t-il pas d’une action en justice, pour voies de fait ? (Il prend le crâne.) Hum ! Ce gaillard-là a peut-être été en son temps un grand acquéreur de terres, et tout affairé d’hypothèques, de reçus, de levées, de doubles garanties, de recours. Mais n’est-ce pas la fin de ses garanties, la levée de tous ses recours, que d’avoir sa fine caboche toute pleine de fine ordure ? Et tous ses garants simples ou doubles ne lui garantiront-ils rien de plus, de tous ses achats, que la longueur et la largeur d’une couple de contrats ? À peine si ses titres d’achats eussent pu tenir dans cette boîte... Faut-il donc que leur possesseur n’ait pas plus de place, dis-moi ?
HORATIO. – Pas un pouce de plus, monseigneur. (William Shakespeare, Hamlet, V, 1.)

Sources textuelles :
Shakespeare, Hamlet, entre 1598 et 1601
Acte V, scène 1

Informations techniques

Notice #012255

Image HD

Identifiant historique :
B1574
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
https://collections.louvre.fr