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Chapiteau du suicide de Judas (Vézelay)

Date :
Entre 1120 et 1140
Nature de l'image :
Chapiteau historié
Lieu de conservation :

Analyse

Judas, nu, vient de se pendre. A droite de la corbeille, un personnage emporte son cadavre. Il a une drôle d'expression.

L'identité du personnage de droite a suscité la controverse. Faut-il comprendre qu'il s'agit du Bon Pasteur venu sauver l'âme de Judas même, pourtant promis à la damnation par sa trahison et son suicide? Mais ce personnage, qui n'est pas barbu, ne porte pas l'auréole crucifère, ne peut être le Christ. L'expression de son visage, comme hésitante, voire sarcastique, ne correspond guère à une entreprise de miséricorde peu compatible par ailleurs avec la représentation qu'on pouvait se faire, au 12e siècle, du sort de Judas.

Faut-il comprendre au contraire que le jeune homme est Lucifer en personne, le plus beau des anges, venu chercher l'âme de Judas? C'est sans doute plus conforme théologiquement, mais aucun signe dans la sculpture n'indique le diable, sinon cette expression bizarre de la bouche, qu'il faudrait alors interpréter comme l'expression sarcastique du Malin. Mais c'est un peu mince.

Il me semble plutôt qu'il faut nettement séparer la partie gauche de la partie droite du chapiteau, en gardant en tête qu'au 12e siècle il n'y a pas de dispositif de représentation scénique, ordonnant toutes les figures dans la composition d'un espace et d'un moment scéniques régis par la règle aristotélicienne des trois unités (de temps, de lieu, d'action). L'image médiévale obéit à une logique qui n'est pas théâtrale, qui est d'abord syntaxique. Ici la bipartition est nette : la partie gauche et la partie droite du chapiteau s'opposent, elle constituent deux syntagmes opposés.

Il s'agit à mon sens, à l'entrée de la basilique, d'opposer deux attitudes possibles du fidèle vis-à-vis de son prochain, représentées par deux figures opposées, Judas à gauche, le Bon Samaritain à droite. Judas a trahi le Christ à qui il devait tout ; le Bon Samaritain, lui, na pas dédaigné de secourir un voyageur dévalisé et blessé par des brigands, alors qu'il ne lui devait rien. Ce n'est donc pas Judas qui est représenté à droite sur le dos du Samaritain, mais le voyageur de la parabole de Luc (X, 25-37).

Nul sarcasme sur le visage du Samaritain : c'est un pauvre homme, un homme tout simple, il a un air un peu niais. Mais il a l'intelligence du cœur…

Annotations :

2. Chapiteau des parties hautes, côté sud : 1er pilier de la nef.

Sources textuelles :
Évangile de Matthieu
XXVII, 5 (Bible de Jerusalem, p. 1726)

Informations techniques

Notice #006538

Image HD

Identifiant historique :
A5857
Traitement de l'image :
Image web
Bibliographie :
François Vogade, Vézelay, 1987
n° 133