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Saint Louis reçoit les messagers du Vieux de la montagne - Brenet

SĂ©rie de l'image :
Date :
1773
Lieu de conservation :

Analyse

Livret du Salon de 1773 :

« Par M. Brenet, Académicien.
103. LesTartares & le Vieux de la Montagne, Prince des Assasins, ayant fat une irruption dans l’Asie MĂ©ridionale, ils envoyerent en 1238, des Ambassadeurs Ă  la Cour de France pour demander du secours Ă  S. Louis ; leur RĂ©cetion est le sujet de ce Tableau.
Il a 9 pieds de haut, sur 6 pieds 6 pouces de largeur, & est destinĂ© Ă  dĂ©corer la Chapelle de l’Ecole Royale Militaire. »

Joinville :

« 451. Tandis que le roi demeurait Ă  Acre, vinrent Ă  lui les messagers du Vieux de la Montagne. Quand le roi revint de sa messe, il les fit venir devant lui. Le roi les fit asseoir en telle maniĂšre qu’il y avait un Ă©mir devant, bien habillĂ© et bien Ă©quipĂ©; et derriĂšre son Ă©mir se trouvait un jeune homme bien Ă©quipĂ©, qui tenait dans sa main fermĂ©e trois couteaux, dont l’un entrait dans le manche de l’autre; parce que, si l’émir n’avait pas obtenu de rĂ©ponse favorable, le jeune homme aurait prĂ©sentĂ© ces trois couteaux au roi pour le dĂ©fier. DerriĂšre celui qui tenait les trois couteaux, il y en avait un autre qui tenait un tissu fin entortillĂ© autour de son bras, qu’il eĂ»t aussi prĂ©sentĂ© au roi pour l’ensevelir s’il avait rĂ©pondu dĂ©favorablement Ă  la requĂȘte du Vieux de la Montagne.
452. Le roi dit Ă  l’émir de lui dire ce qu’il voulait. Et l’émir lui remit une lettre de crĂ©ance et parla ainsi : “Mon maĂźtre m’envoie vous demander si vous le connaissez.” Et le roi rĂ©pondit qu’il ne le connaissait point, car il ne l’avait jamais vu, mais il avait bien entendu parler de lui. Et l’émir dit au roi : “Et puisque vous avez entendu parler de mon maĂźtre, je m’étonne beaucoup que vous ne lui ayez pas envoyĂ© tant du vĂŽtre que vous vous en soyez fait un ami, comme l’empereur d’Allemagne, le roi de Hongrie, le sultan du Caire et les autres le font envers lui tous les ans, parce qu’ils sont certains qu’ils ne peuvent vivre que dans la mesure oĂč il plaira Ă  mon maĂźtre.
453. Et s’il ne vous plaĂźt pas de faire cela, faites qu’il soit quitte du tribut qu’il doit Ă  l’HĂŽpital et au Temple, et il se considĂ©rera comme satisfait de vous.” Il payait alors un tribut au Temple et Ă  l’HĂŽpital, parce que ces ordre ne redoutaient en rien les Assassins, parce que le Vieux de la Montagne n’y pourrait rien gagner s’il faisait tuer le maĂźtre du Temple ou de l’HĂŽpital, car il savait bien que, s’il en faisait tuer un, on en remettrait aussitĂŽt Ă  sa place un autre aussi bon; et pour cela il ne voulait pas perdre des Assassins lĂ  oĂč il n’y avait rien Ă  gagner. Le roi rĂ©pondit Ă  l’émir de revenir dans l’aprĂšs-midi.
454. Quand l’émir fut revenu, il trouva que le roi siĂ©geait de telle maniĂšre qu’il avait d’un cĂŽtĂ© le maĂźtre de l’HĂŽpital, et de l’autre le maĂźtre du Temple. Le roi lui dit alors de lui dire Ă  nouveau ce qu’il avait dit le matin; et l’émir dit qu’il n’était pas disposĂ© Ă  le rĂ©pĂ©ter, si ce n’était devant ceux qui Ă©taient le matin avec le roi. Alors les deux maĂźtres lui dirent :"Nous vous donnons l’ordre de le dire." Et il leur dit qu’il le dirait puisqu’ils le commandaient. Alors les deux maĂźtres lui dirent en sarrasin qu’il vienne le lendemain parler avec eux Ă  l’HĂŽpital; et il fit ainsi.
455. Alors les deux maĂźtres lui firent dire que son maĂźtre Ă©tait bien hardi quand il avait osĂ© faire dire au roi des paroles aussi brutales; et ils lui firent dire que, si ce n’avait Ă©tĂ© pour l’honneur du roi, auprĂšs de qui ils Ă©taient venus comme messagers, ils les auraient fait noyer dans la sale mer d’Acre, au mĂ©pris de leur maĂźtre. “Et nous vous commandons que vous retourniez prĂšs de votre maĂźtre et que dans la quinzaine vous soyez de retour, et que vous apportiez au roi, de la part de votre maĂźtre, des lettres et des joyaux tels que le roi se considĂšre comme satisfait et qu’il vous en sache bon grĂ©.”
456. Dans la quinzaine les messagers du Vieux revinrent Ă  Acre et apportĂšrent au roi la chemise du Vieux, et ils dirent au roi de la part du Vieux, que cela signifiait que, comme la chemise est plus prĂšs du corps qu’aucun autre vĂȘtement, de mĂȘme le Vieux veut tenir le roi dans son amour plus proche qu’aucun autre roi. Et il lui envoya son anneau, qui Ă©tait d’or trĂšs fin, oĂč son nom Ă©tait Ă©crit; et il lui fit savoir que par son anneau il Ă©pousait le roi, car il voulait que dĂšs lors ils fussent tout un.
457. Parmi les joyaux qu’il envoya au roi, il lui envoya un Ă©lĂ©phant de cristal trĂšs bien fait et une bĂȘte que l’on appelle girafe, de cristal aussi, des pommes de cristal de diverses sortes, des jeux de tacles et d’échecs. Et tous ces objets Ă©taient parsemĂ©s de fleurs en ambre, et l’ambre Ă©tait fixĂ© sur le cristal par de petites feuilles de vigne de bon or fin. Et sachez que, dĂšs que les messagers ouvrirent leurs Ă©crins oĂč Ă©taient ces objets, il sembla que la chambre fut embaumĂ©e, tellement ils avaient une bonne odeur.
458. Le roi envoya Ă  son tour ses messagers au Vieux, et lui envoya en retour une grande quantitĂ© de joyaux, piĂšces d’écarlate, coupes d’or et mors d’argent; et avec les messagers il y envoya frĂšre Yves le Breton, qui savait le sarrasin. Et celui-ci trouva que le Vieux de la Montagne ne croyait pas en Mahomet, mais il croyait Ă  la loi d’Ali, qui fut oncle de Mahomet. » (Joinville, Vie de saint Louis.)

Annotations :

3. Un tableau trĂšs proche a Ă©tĂ© mis en vente par la galerie Tajan sous le titre « Saint Louis recevant l’ambassadeur du roi de Tartarie ».

Sources textuelles :
Joinville, Jean, sire de (1224-1317), Vie de saint Louis (1309)

Informations techniques

Notice #005979

Image HD

Identifiant historique :
A5298
Traitement de l'image :
Image web