La remontrance paternelle / ScĂšne de bordel - Gerard Terborch
Analyse
Goethe, dans une page des AffinitĂ©s Ă©lectives, dĂ©crit ainsi le tableau, quâil aurait connu dâaprĂšs la gravure de Wille :
« Un pĂšre, un noble chevalier, est assis, les jambes croisĂ©es, et semble adresser des reproches sĂ©vĂšres Ă sa fille, debout devant lui. Dâune taille avantageuse, vĂȘtue dâune robe de satin blanc Ă grands plis, elle nâest vue que par derriĂšre, mais toute sa pose annonce quâelle fait un effort sur elle-mĂȘme. Cependant la remontrance nâest point vive et humiliante : on le voit Ă la figure et au geste du pĂšre. Pour la mĂšre, elle semble dissimuler un peu dâembarras, car elle regarde dans un verre de vin, quâelle est sur le point de boire. »
Franz Bellens, en 1911, reste encore grosso modo fidĂšle Ă lâinterprĂ©tation de Goethe (GĂ©rard Terborch, Bruxelles, G. Van Oest & Cie) :
« Ce que rĂ©vĂšlent cet homme assis dans une pose dâun calme dĂ©concertant, avec ce geste de la main droite Ă la fois Ă©nergique et rĂ©servĂ©, cette femme dont le regard embarrassĂ© ne peut se dĂ©tacher de son verre, ce nâest pas une faute plus ou moins grave dâune jeune femme en satin blanc. Câest tout un coin de vie concentrĂ©e et intense. Trois gestes, dâune extrĂȘme simplicitĂ©, y suffisent. La jeune femme est bien chez elle. Tout y respire son parfum. Elle nâest point volage ; sur la table, les objets de sa toilette sont rangĂ©s avec ordre. Ainsi donc, cette femme, dont la conduite mĂ©rite les reproches parternels, se trouve ĂȘtre dâun aspect aussi digne que la plus parfaite des Ă©pouses ; elle a sans doute des amants, elle mĂšne une vie galante, et toute sa dissipation se trahit dans un ajustement dâun goĂ»t si sobre, dans ce miroir qui repose sur la table, comme un livre ouvert, et dans ce dĂ©cor sans surcharge oĂč lâalcĂŽve Ă peine se devine... Lâamour est-il donc chose si coupable, qui se consomme dans cet ordre, avec tant de mesure quâon le croirait plutĂŽt rĂ©glĂ© par quelque rite austĂšre que par le caprice ou la passion ? »
Cette interprĂ©tation du tableau est abandonnĂ©e aujourdâhui, et le tableau porte au Rijksmuseum le titre de Conversation galante. Il sâagit lĂ dâun euphĂ©misme, pour une scĂšne de bordel : devant la tenanciĂšre qui sirote un verre de vin mine de rien, un homme propose une piĂšce dâargent Ă une prostituĂ©e. Le lit est au fond. Le chien protĂšge les femmes contre un Ă©ventuel agresseur.
3. Il existe une autre version de ce tableau Ă Berlin, sans la porte Ă droite.
Goethe aurait connu le tableau dâaprĂšs la gravure de Wille, qui portait pour titre « Instruction paternelle ».
Informations techniques
Notice #001762