Aller au contenu principal

Psyché découvre Éros - Jacopo del Zucchi

Date :
1589
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
173x130 cm
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :
inv. n°10
Œuvre signée
Œuvre datée

Analyse

Psyché a été enlevée par Eros dans un palais magnifique où le dieu lui rend visite chaque nuit : mais il ne se laisse pas reconnaître par elle car sa mère, Vénus, lui a interdit une liaison avec une mortelle. Poussée par la curiosité et la crainte de ses sœurs jalouses, qui insinuent que son amant nocturne est peut-être un monstre, Psyché transgresse l’interdiction et éclaire son compagnon de nuit de sa lampe à huile. Une goutte d’huile brûlante tombe alors sur l’épaule d’Eros, le brûle, et l’éveille. La vengeance d’Éros, et surtout de Vénus, sera terrible...

Voir le commentaire de J. Lacan, Le Transfert, Séminaire VIII, 1960-1961, Seuil, 1991, « Psyché et le complexe de castration », pp. 261-267 et « Le symbole Φ », p. 279.
Lacan remarque deux particularités dans ce tableau. D’une part, Psyché (qui craignait de découvrir un monstre au lieu d’Éros) est représentée un cimeterre à la main, à la manière de Judith tranchant la tête d’Holopherne. D’autre part un vase de fleurs cache la nudité d’Éros.
Le tableau représente ainsi le point d’articulation entre l’âme (psyché en grec) et le désir (éros) comme la menace de castration : menace du cimeterre, absence du sexe à peine dissimulée par les fleurs. Dans le complexe de castration, le phallus, symbole du désir, devient plus précieux que le désir même. Ici le pénis a disparu avant même d’être tranché : il a été remplacé par les signifiants du pénis, en tant que ce pénis manque, a disparu. Ces signifiants sont le cimeterre, les fleurs. Le phallus est ce signifiant du pénis. Le pénis, pour être transformé en signifiant, est tranché. Le phallus comme signifiant supplée le pénis qui manque : il s’installe comme supplément au point où dans l’Autre disparaît la chose même, le pénis. Mais il n’y a pas de mot pour cette disparition : elle se manifeste également comme absence de signifiant (sur le tableau, non pas un pénis caché, ou tranché, mais un pénis qui n’a jamais été là, dont il n’y a pas trace). Le phallus est le signifiant du point où dans l’Autre le signifiant manque, le signifiant de l’absence de signifiant, noté Φ.
   
Texte d’Apulée :

« Elle avance la lampe, saisit son poignard. Adieu la timidité de son sexe. (2) Mais à l’instant la couche s’illumine, et voilà ses mystères au grand jour. Psyché voit (quel spectacle !) le plus aimable des monstres et le plus privé, Cupidon lui-même, ce dieu charmant, endormi dans la plus séduisante attitude. Au même instant la flamme de la lampe se dilate et pétille, et le fer sacrilège reluit d’un éclat nouveau. (3) Psyché reste atterrée à cette vue, et comme privée de ses sens. Elle pâlit, elle tremble, elle tombe à genoux. Pour mieux cacher son fer, elle veut le plonger dans son sein ; (4) et l’effet eût suivi l’intention, si le poignard, comme effrayé de se rendre complice de l’attentat, n’eût échappé soudain de sa main égarée. Elle se livre au désespoir ; mais elle regarde pourtant, et regarde encore les traits merveilleux de cette divine figure, et se sent comme renaître à cette contemplation. (5) Elle admire cette tête radieuse, cette auréole de blonde chevelure d’où s’exhale un parfum d’ambroisie, ce cou blanc comme le lait, ces joues purpurines encadrées de boucles dorées qui se partagent gracieusement sur ce beau front, ou s’étagent derrière la tête, et dont l’éclat éblouissant fait pâlir la lumière de la lampe. (6) Aux épaules du dieu volage semblent pousser deux petites ailes, d’une blancheur nuancée de l’incarnat du cœur d’une rose. Dans l’inaction même, on voit palpiter leur extrémité délicate, qui jamais ne repose. (7) Tout le reste du corps joint au blanc le plus uni les proportions les plus heureuses. La déesse de la beauté peut être fière du fruit qu’elle a porté.
(V, 23, 1) Au pied du lit gisaient l’arc, le carquois et les flèches, insignes du plus puissant des dieux. La curieuse Psyché ne se lasse pas de voir, de toucher, d’admirer en extase les redoutables armes de son époux. Elle tire du carquois une flèche, (2) et, pour en essayer la trempe, elle en appuie le bout sur son pouce ; mais sa main, qui tremble en tenant le trait, imprime à la pointe une impulsion involontaire. La piqûre entame l’épiderme, et fait couler quelques gouttes d’un sang rosé. (3) Ainsi, sans s’en douter, Psyché se rendit elle-même amoureuse de l’Amour. De plus en plus éprise de celui par qui l’on s’éprend, elle se penche sur lui la bouche ouverte, et le dévore de ses ardents baisers. Elle ne craint plus qu’une chose, c’est que le dormeur ne s’éveille trop tôt. (4) Mais tandis qu’ivre de son bonheur, elle s’oublie dans ces transports trop doux, la lampe, ou perfide, ou jalouse, ou (que sais-je ?) impatiente de toucher aussi ce corps si beau, de le baiser, si j’ose le dire, à son tour, épanche de son foyer lumineux une goutte d’huile bouillante sur l’épaule droite du dieu. (5) O lampe maladroite et téméraire ! ô trop indigne ministre des amours ! faut-il que par toi le dieu qui met partout le feu connaisse aussi la brûlure ! par toi, qui dus l’être sans doute au génie de quelque amant jaloux des ténèbres, et qui voulait leur disputer la présence de l’objet adoré !
(6) Le dieu brûlé se réveille en sursaut. Il voit le secret trahi, la foi violée, et, sans dire un seul mot, il va fuir à tire d’aile les regards et les embrassements de son épouse infortunée. »

Annotations :

1. C'est le seul tableau daté et signé par l'artiste.

2. Probablement commandé à l'occasion du mariage de Ferdinand Ier de Médicis et de Christine de Loraine à Florence en 1589.

Composition de l'image :
Objets :
Lampe
Fleurs
Sources textuelles :
Apulée, Métamorphoses (dites aussi L’Ane d’or) (vers 150-170)
V, 22-23

Informations techniques

Notice #001625

Image HD

Identifiant historique :
A0944
Traitement de l'image :
Image optimisée par Esrgan
Localisation de la reproduction :
https://galleriaborghese.beniculturali.it (Rome, Galerie Borghèse)
Bibliographie :
Sonia Cavicchioli, Eros&Psyché L’éternelle félicité de l’amour, Flammarion, 2002
n° 117, p. 170