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Ixion trompé par Junon - Rubens

Date :
1615
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
171x245 cm
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :
Numéro principal : RF 2121

Analyse

AprĂšs la rĂ©volte de son peuple, Ixion, roi des Lapithes, a Ă©tĂ© recueilli par Jupiter dont il est l’hĂŽte et l’échanson. Il cherche Ă  sĂ©duire Junon. Celle-ci prĂ©vient Jupiter et envoie son simulacre Ă  Ixion, afin que Jupiter puisse prendre Ixion en flagrant dĂ©lit sans que l’honneur de la dĂ©esse soit entachĂ©. A gauche, Ixion embrasse la fausse Junon. A droite, la vraie Junon, reconnaissable au paon, dĂ©lĂšgue Ă  la Ruse, reconnaissable Ă  la peau de renard, le soin de manipuler son simulacre. Hymen (reconnaissable au flambeau) dĂ©tourne Junon (la vraie) d’Ixion et la retourne vers Jupiter qui assiste songeur Ă  la scĂšne. A gauche, la Discorde aux cheveux de serpents dĂ©signe Ixion et annonce le chĂątiment infernal.
La composition se lit comme une progression allĂ©gorique, de l’obscuritĂ© Ă  gauche vers la lumiĂšre Ă  droite. On va de la Discorde aux cheveux de serpent, en haut Ă  gauche, et du dĂ©sordre des passions, vers l’ordre de Jupiter, en haut Ă  droite. Le point de basculement du monde des passions dĂ©chaĂźnĂ©es vers le rĂšgne de l’ordre matrimonial et de la loi, c’est la Ruse, qui occupe la position centrale.
La Ruse manipule la tĂȘte de la fausse Junon, des doigts de sa main droite, les yeux tournĂ©s vers la vraie Junon dont elle guette les ordres. La position de la vraie Junon est Ă©trange au 1er abord, mais s’explique allĂ©goriquement : Junon se tient sa tĂȘte, c’est elle-mĂȘme qui se gouverne, alors que la fausse Junon est gouvernĂ©e par autrui.
Nul ne doit regarder la mise en Ɠuvre de la ruse (ce n’est donc pas Ă  proprement parler une scĂšne) : c’est pourquoi la divinitĂ© de la Ruse se prĂ©pare Ă  envelopper les amants d’une Ă©toffe rouge. Junon se dĂ©tourne, elle est entraĂźnĂ©e par Hymen vers Jupiter. Mais plusieurs indices nous suggĂšrent qu’elle n’a pas Ă©tĂ© insensible Ă  la tentation : le voile rouge reflĂšte sa couleur Ă  la fois sur le bas ventre d’Ixion et sur les fesses de la vraie Junon ; il les relie donc subrepticement. D’autre part, Junon, qui est dĂ©jĂ  partie rejoindre Jupiter, tourne la tĂȘte vers Ixion, peut-ĂȘtre pas jusqu’à le voir, mais bien dans un mouvement de regret, ou au moins de connivence avec la Ruse qui guette ses ordres. Ruse pour qui ? Ruse pour quoi ?
La fausse Junon intrigue au premier abord : pour une nuĂ©e, elle paraĂźt bien en chair. On opposera cependant sa peau blanche, oĂč le rouge de l’étoffe que tend la Ruse ne se reflĂšte pas, au rose et au rouge de la vraie Junon. Son regard d’autre part est vide : c’est un regard de poupĂ©e, c’est l’Ɠil apparemment mort d’un piĂšge vivant.
La composition de ce tableau, dont le sujet est rare, est par ailleurs peut-ĂȘtre contaminĂ©e par celui plus courant du jugement de PĂąris : un homme, Ixion Ă  gauche, est place face Ă  trois dĂ©esses, la fausse Junon, la ruse et la vraie Junon. Curieusement, c’est Ă  VĂ©nus que la vraie Junon accompagnĂ©e de son putto ressemble, tandis que la Ruse emprunte Ă  Minerve et que la fausse Junon prend l’air froid et presque sĂ©vĂšre qui devrait ĂȘtre celui de la vraie.

Annotations :

2. Vente De Amory, Amsterdam, 1722.
En 1766, le tableau appartenait à Sir Gregory Page Turner. Il fut acquis par M. Agar Welbore Ellis, du fils de ce dernier propriétaire, et passa ensuite dans la collection du comte de Grosvenor.
Collection du duc de Westminster au XIXe siĂšcle, Londres, Grosvenor House ;
legs du baron Basile de Schlichting au Musée du Louvre, Paris, 1914.

3. Hogarth mentionne un Junon et Ixion du CorrĂšge : « Mais c’est dans les ouvrages du CorrĂšge que le principe de la ligne serpentine paraĂźt le mieux entendu, surtout dans son tableau de Junon et Ixion, quoique d’ailleurs les proportions de ses figures soient quelquefois si mauvaises, qu’un peintre d’enseignes pourrait les dessiner mieux. » (PrĂ©face de l’Analyse de la beautĂ©, ensb-a, p. 34.)
Le sujet a également été peint par Christiaen van Couwenbergh (musée du Louvre, RF3772).
ThĂ©ophile de Viau a consacrĂ© un poĂšme Ă  Ixion, publiĂ© dans divers recueils satiriques de son vivant (mais pas dans ses Ɠuvres) :

Je songeais que Philis des Enfers revenue,
Belle comme elle était à la clarté du jour,
Voulait que son fantîme encore füt l’amour
Et que comme Ixion j’embrassasse une nue.
Son ombre dans mon lit se glissa toute nue
Et me dit : Cher Tircis, me voici de retour,
Je n’ai fait qu’embellir en ce triste sĂ©jour
OĂč depuis ton dĂ©part le sort m’a retenue.
Je viens pour rebaiser le plus beau des amants,
Je viens pour remourir dans tes embrassements.
Alors, quand cette idole eut abusé ma flamme
Elle me dit : Adieu, je m’en vais chez les morts.
Comme tu t’es vantĂ© d’avoir foutu mon corps,
Tu pourras te vanter d’avoir foutu mon ñme.

Composition de l'image :
Objets :
Torche
Serpent
Personnage interposé
Paon
Nuage, nuée
La scÚne est observée par effraction
Cupidon
Sources textuelles :
Lucien de Samosate (125-192)
Dialogue des dieux, IX, HĂ©ra et Zeus
Sujet de recherche :
StĂ©phane Lojkine, L’État de nature (en prĂ©paration)

Informations techniques

Notice #000872

Image HD

Identifiant historique :
A0191
Traitement de l'image :
Image optimisée par Esrgan
Localisation de la reproduction :
https://collections.louvre.fr